Le cadre est simple, pratique et universel – si sobre qu’on ne s’en préoccupe pas beaucoup. Dès qu’on sort même un peu de cette frontière « arbitraire », un nouveau monde s’ouvre car le cerveau est mou et trop habitué. . Jean Luc Godard faisait parfois parler les gens en hors champ alors qu’il n’y a personne dans la pièce filmée. Je me suis laissé surprendre et ravir par le « hors cadre ». Sortir du cadre , légèrement en conservant donc l’impression originale du cadre non violé, apporte plein de bonnes surprises qui interrogent, une sorte de troisième dimension conceptuelle ou réelle. Ces photographies réunissent plusieurs de mes envies : la nature, le jeu, la recherche d’abstraction. Le détournement du cadre renforce l’abstraction suite à la perte de sens, de volume et de contexte. Il permet de confondre mon cerveau, de jouer. Cela permet de multiplier le regard, de se poser des questions sur la matière photographique, le détachement qu’elle opère vis-à-vis de l’objet lui-même, une sorte d’inversion des sens, profondeur, matière mouvante. J’aime éliminer les impressions de haut et de bas. Je falsifie légèrement le cadre de la photo pour démythifier la photographie traditionnelle, et m’évader. Je n’ai pas l’envie de subvertir la photographie, mais de l’élargir, l’enrichir, l’ouvrir à d’autres champ de réflexion. La réalité brute de l’image du réel doit conserver la force qu’elle a de montrer un « extraordinaire normal » , elle prime sur les sorties du cadre. J’adore aussi le mystère. René Magritte en parlait souvent : » Seules les images qui montrent les choses – débarrassées de leur point d’interrogation – me semblent devoir être peintes. Les images montrent les choses et ne « représentent rien à penser », c’est nous-mêmes qui devons les représenter, c’est-à-dire, être comme elles, le mystère qui ne pose pas de question. La pensée, une étoile, une table , c’est le mystère qui ne pose pas de question.